“Peut-être avais-je la danse en moi”, disait-elle.
Et il le fallait pour vouer sa vie à cet art : car, si la danse orientale (”raqs al-sharqui”) est un phénomène culturel aussi ancien qu’incontestable, la société égyptienne a toujours frappé d’opprobre ses danseuses. Née en Haute-Égypte, Zainab Ibrahim Mahfuz arrive au Caire avec sa famille en 1932. Elle travaille dans un atelier de couture jusqu’à la mort de son père (elle a alors 16 ans), puis rencontre Baadia Masabni, l’inventrice de la danse orientale moderne, qui sera son mentor. C’est dans la troupe de Baadia où elle côtoie Tahia Carioca, sa plus proche rivale, que Samia Gamal développe son style.
Au début des années quarante, Samia Gamal fait une rencontre déterminante, en la personne de Farid Al Atrache, un prince syro-libanais devenu un des plus grands chanteurs et joueurs de luth du monde arabe. Samia et Farid forment, à la scène comme à la ville, le couple d’artistes le plus célèbre de la vie culturelle orientale de la décennie. Entre temps, la jeune femme débute au cinéma, en 1942, dans «Gawhara» de Youssef Wahby. Elle devient rapidement une déesse des comedies musicales, adulée par des millions d’admirateurs. En 1947, le couple Gamal-Al-Atrache est réuni à l’écran dans «Madame la diablesse», dirigé par Henry Barakat. Le film est un énorme succès et les deux vedettes tournent encore ensembles, à quatre reprises, dans: «Ahebbak inta» (1949) et «Dernier mensonge» (1949) tous deux réalisés par Ahmed Badrakhan, «Taa la salim» (1951) de Helmy Rafla et «Ne le dis à personne» (1952) de Henry Barakat. Immense star, Samia Gamal ne laisse pas insensible le Roi Farouk. Celui-ci lui octroie le titre honorifique de première danseuse nationale.
En 1952, Samia épouse Sheppard King, un riche américain, originaire du Texas. En 1954, elle profite d’un séjour à Hollywood, pour faire une apparition dans «La vallée des rois» de Robert Pirosh, et où elle interprète une danseuse du ventre aux côtés de Robert Taylor. La même année, elle incarne la jeune Morgiane auprès de Fernandel, dans «Ali Baba et les quarante voleurs», une production française de Jacques Becker. En 1955, dans «Un verre et une cigarette» de Niazi Mostafa, elle partage l’affiche avec une autre belle égyptienne, qui va également se faire un nom en France… Dalida. Un an plus tard, elle participe à la production internationale «Le fils du Cheik» de Goffredo Alessandrini avec Ricardo Montalban.
À la fin des années cinquante, Samia Gamal divorce de son Texan de mari et revient définitivement dans son pays natal. Elle y tourne deux de ses plus grand succès, «Zannouba» (1957) aux côtés de Shukry Sarhan et «Rendez-vous avec l’inconnu» (1959) avec Omar Sharif. En 1958, elle épouse en secondes noces, le jeune premier Ruschy Abaza, dont elle divorce en 1977. Ils sont réunis à l’écran dans «Le deuxième homme» (1960) de Ezzel Dine Zulficar et dans «La route du diable» (1963) de Kamal Attia. Ce film reste la dernière prestation cinématographique de sa carrière.
Par la suite, Samia Gamal se consacre exclusivement à la danse. Elle pratique passionnément son art jusqu’au début des années quatre-vingt-dix. Elle s’éteint le 1er décembre 1994, au Caire, capitale égyptienne, emportée par un cancer.
© Philippe PELLETIER pour Les Gens du Cinéma