J’ai découvert des personnes auparavant fermées, évoluer et s’ouvrir aux premières notes de musiques
Entre son spectacle de danse orientale donné à Paris le 9 juin et une autre représentation prévue à Tunis une semaine après, nous avons pu rencontrer Kaouther Ben Amor pour une interview ne portant pas seulement sur la danse orientale mais s’intéressant également à la personnalité de cette Tunisienne qui a su se faire une place de choix dans le microcosme des chorégraphes parisiens. Pour « Femmes & Réalités », elle a accepté de dévoiler les recoins cachés de son monde artistique et le parcours qui l’y a menée…
Kaouther, si vous aviez à vous définir ?
Un Fleuve ? Parfois tranquille, parfois mouvementé ! Plus sérieusement, je suis danseuse, chorégraphe, professeur de danse Orientale.
Vous êtes journaliste de formation et vous avez fait un choix pour la danse, pourquoi avez-vous fait ce choix ?
Il s’est imposé à moi-même un moment donné, je pense… J’ai un Master en Langues et Droit international, j’ai évolué pendant plusieurs années en touchant à tout dans le monde des médias et de l’audiovisuel. Puis celui du cinéma. Une grande passion. Travailler pour de grandes chaînes et pour es grands réalisateurs, de grands films étaient magiques mais à un moment donné, ma double vie était lourde à porter. Les cours de danse, les formations intensives, les galas, les entraînements, les déplacements prenaient de plus en plus de place. J’étais toujours avide de plus et encore plus à découvrir et étudier cette discipline … cet art. Comme me disait mon premier maître « un vrai buvard » ! J’étais impliquée à 100% dans mes « 2 vies » jusqu’au jour où épuisée, je réalisais que la danse, elle, ne dure qu’un temps, et que pour pouvoir évoluer en véritable professionnelle et saisir les opportunités qui s’offraient à moi, il fallait énormément plus de travail encore. Alors…
Comment vous est venue l’idée de former des élèves à la danse orientale à Paris ?
J’ai été sollicité, j’ai acceptée la 1ère fois à contrecoeur, certaine que l’enseignement n’était pas mon truc du tout. Puis le jour où j’ai vu des sourires, de la lumières sur des visages, des corps se libérer, je me suis dit : « Mince alors ! Ce bonheur que me procure cette danse a réussi à voyager jusqu’à eux? ». J’éprouve une joie immense lorsque la fin de l’année, je découvre des personnes auparavant fermées ou courbées, évoluer et s’ouvrir aux premières notes de musiques, sourire et s’aimer davantage, gagner en paix avec leur corps. Ces moments de partage me sont précieux. Cela démontre à quel point cette danse est riche et généreuse !
Quels sont les avantages et les inconvénients de ce statut de professeur de danse orientale ?
Il n’y a pas de diplôme d’état, ni ici, ni en Egypte, ni ailleurs. On peut alors manquer de crédibilité, trouver tout et n’importe quoi comme toujours parfois. Cependant, il est vrai que ce sont d’autres disciplines comme la barre au sol ou le pilate qui m’ont donné une meilleure connaissance du corps, qui m’ont aidé à l’aligner, le pousser plus loin mais aussi à savoir le protéger pour ne pas se blesser, danser plus longtemps.
Vous dansez devant un public européen, cela vous fait quoi ? Vous avez dansé dans beaucoup d’autres pays que la France, y a-t-il une différence parmi les différents publics ?
Chaque public a sa propre sensibilité, peu importe la barrière de la langue ou de la culture, la danse est un langage, à nous de faire en sorte que l’échange, la découverte soit toujours au rendez-vous.
Il paraît que vous êtes souvent sollicitée par « Le Caire » parmi les professionnels de Paris, que cela veut dire ?
Avoir la reconnaissance de la Terre Mère / Oum El Dounia, c’est une des plus belles récompenses pour moi.
Que représente pour vous aujourd’hui la danse orientale ?
Un art extraordinaire ! C’est à la fois la glorification de la Féminité avec ses beautés et ses tourments ainsi qu’une véritable fenêtre sur les beautés de la culture orientale. Elle nous permet de nous exprimer, de véhiculer et découvrir les textes de grands poètes, les compositeurs, les musiciens, les danseuse, les plus belles voix de l’Orient…
Pensez-vous que la danse orientale est en train de gagner du terrain à Paris et de trouver une place dans l’univers de la culture et des arts ?
Il existe aujourd’hui un peu moins de condescendance au d’étiquette de danseuse d’animation. Cependant, les programmations, les créations restent rarissimes, comme par exemple « Pour les femmes du jasmin », une création de Djamila Henni Cherba coproduite par l’Institut du Monde Arabe auquel j’ai collaboré en mars dernier. Parallèlement, les scènes organisées dans les théâtres loués par le monde de la danse orientale parisienne se multiplient ce qui montre une faim de travail scénique, mais le public est donc restreint et souvent le même…
Que vous apporte la scène ?
Des angoisses, de la libération. La joie de partager, un exutoire pour exprimer tout ce qui se ballade à l’intérieur de moi.
Vivre de l’art de la danse est-il rentable ?
Comme toutes les disciplines artistiques, il arrive que l’on mange des « clous ». Si la sécurité et l’argent sont vos premières préoccupations, changez de chemin ! Je connais beaucoup de superbes artistes danseurs/danseuses dans ce genre de situation qui passent des heures en studio à s’entraîner et complètent le reste du temps avec des petits boulots que ce soit ici ou en Egypte d’ailleurs.
Vous êtes d’origine tunisienne, à quand un spectacle en Tunisie ?
Oui ! Il faut que je m’en occupe, mais Chuuuut surprise !
Sentez-vous que vous faites des sacrifices, car on sent que vous êtes entière et vous vous donnez à fond à la danse, est-ce que « cela le vaut bien » ?
J’ai réalisé tellement de rêves grâce à la danse…
Avez-vous eu des élèves « hommes » ? Comment vous adaptez-vous à eux ?
Oui, par deux fois. Comme pour mes autres élèves, j’ai tout simplement enseigné mes connaissances, mon univers qu’ils étaient venus chercher. Ils ont d’ailleurs chacun fait leur chemin de danseur depuis et se produisent régulièrement.
Êtes-vous prête à faire un spectacle au Festival de la Médina de Tunis avec vos élèves ?
OUIIIIIIIIIIIIIIIIII !!!!
A bon entendeur….
Entretien conduit par Mohamed Mghaieth